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Chroniques Rostémides

Eminönü

Le coeur battant d'Istanbul

 

"Si l'on n'avait qu'un seul regard à donner au monde, ce serait Istanbul"
Lamartine

Samedi 28 décembre 2024. Il est 9h30.   
Nous quittons la quartier historique de Sultan Ahmed en direction d’Eminönü, situé à 15 minutes à pied. Par tram, c'est trois stations plus loin.

Nous traversons le parc Sultan Ahmed (Sultan Ahmet Parki) qui se situe entre deux monuments historiques qui se font face : La mosquée Sainte-Sophie (Ayasofya) et la mosquée Sultan Ahmed (mosquée bleue) distantes d’environ 300 mètres et construites à … 10 siècles d’intervalle. Malgré le froid, des cohortes de touristes affluent en continu et viennent se ranger derrière de longues files, nullement découragés par la bruine pénétrante qui tombe depuis l’aube. La place de l’hippodrome antique située à l’ouest de la mosquée bleue est encore déserte. 

Nous entamons la descente en longeant la voie sinueuse du tram qui traverse des rues commerçantes bien achalandées. Quelques curieux s’attardent sur les vitrines alléchantes qui vous en mettent plein la vue. De la pâtisserie orientale, des tapis, des costumes aux couleurs chatoyantes et bariolées jusqu’aux babioles et autres souvenirs.

Il faut prendre garde de ne pas céder aux invitations agressives et insistantes des rabatteurs qui, en guise d’appât, vous proposent du thé ou des bouts de loukoum, que vous payerez très cher, une fois franchi le seuil du magasin. Il faut dire, que dans ce quartier, les prix ne sont pas affichés. C’est à la tête du client qui se trouve souvent piégé et déconfit devant une addition (trop) salée.  
Pour se restaurer ou faire ses emplettes, il est vivement recommandé de quitter le quartier historique et de s’aventurer plus loin. La différence est criarde. 

En plus, si d’aventure vous sollicitez les services d’un guide, assurez-vous au préalable de sa réputation. Il se trouve que certains guides sont de mèche avec des commerçants sans scrupules, qui vous fourguent un tapis ou une assiette en porcelaine à des prix ridiculement élevés. Heureusement qu’il existe des guides honnêtes qui n’hésitent pas à vous fournir de bons conseils.

La file devant la Citerne Basilique s’étend indéfiniment pendant que des groupes de touristes escortés par des guides remontent vers le palais de Topkapi, et sa Sublime Porte (Bāb-ı āli en turc, qui désignera plus tard et par métonymie l’empire ottoman). Le palais a été construit sur les vestiges de l’antique Byzance.

Nous continuons notre descente jusqu’au port. Sur le grand quai, des navettes, des ferrys et des bateaux de croisière accostent au niveau des embarcadères, attendant de se remplir. Ils desservent diverses destinations à des horaires précis.

Nous sommes sur la rive sud de la Corne d’Or. Une ria dont les eaux provenant de deux rivières viennent à la rencontre de celles du Bosphore. De là, on peut rejoindre l’autre partie européenne de la ville située sur la rive nord ou la partie asiatique, qu’on distingue de loin, derrière la tour de Léandre, qui sépare le détroit du Bosphore de la mer Marmara.

Depuis la rive nord, la tour de Galata qui surplombe le quartier éponyme nous contemple fièrement. On peut y accéder par différents moyens. Il suffit de traverser le pont de Galata qui relie les deux rives européennes, à pied, en tram ou en bus.

Pour le moment, nous restons à Eminönü. Le quartier grouille de monde. Des voyageurs descendent du tram et s’égaillent dans une multitude de directions. Des restaurants bon marché servent des plats de sardines et de grillades, dont les volutes de fumée emplissent l’atmosphère et vont se dissiper dans l’épaisse brume qui enveloppe les lieux.

Face au port, la mosquée neuve (Yeni Camii). Elle ressemble à toutes les autres mosquées, qu’on voit partout en ville. Même architecture, même style et même influence. L’empreinte de l'architecte (Mimar) Sinan n’étant jamais loin. On a tendance à les confondre toutes, d’ailleurs. Mais il y certains détails qui font la différence : Le nombre de minarets et leurs balcons, les coupoles, les dimensions et l’époque.

Un nombre impressionnant de pigeons envahit la place. Ils viennent atterrir sur les escaliers de la mosquée, au grand bonheur des enfants qui s’amusent à les pourchasser pendant que leurs parents immortalisent la scène grâce à leurs téléphones ou appareils photo.

À un jet de pierres de la mosquée, le bazar égyptien (Mısır Çarşısı) ou bazar aux épices, datant de 1664. C’est le deuxième marché couvert de la ville. Avec ses 80 boutiques, il vient loin derrière le Grand Bazar (Kapalı çarşı) et ses 4000 boutiques. Mais il demeure un lieu incontournable pour la qualité de ses épices aux forts arômes, ses délices, ses fruits secs et autres produits exotiques.

La partie la plus intéressante du marché se trouve plutôt à l’extérieur, où un autre marché à ciel ouvert, constitué d’une multitude d’échoppes, s’étend jusqu’aux confins de la mosquée Soliman. Les prix sont souvent affichés et relativement corrects. Il y en a, ainsi, pour toutes les bourses. Ici, on perd la notion de temps et on se laisse emporter, nonchalamment, par les mélanges suaves des senteurs qui se  dégagent des étals. Il y règne une atmosphère calme, caractéristique des pays d’Orient, malgré le nombre de visiteurs et de chalands, qui ne cesse de croître. Des touristes sont assis sur des tabourets bas et prennent le temps de savourer un thé chaud (cay) ou un café turc. D’autres préfèrent le Sahleb, une boisson chaude, traditionnelle à base de tubercules d’orchidée moulues et de lait, saupoudrée de cannelle. Ses innombrables vertus thérapeutiques sont toujours mises en exergue par des vendeurs exaltés. 

À l’angle d’une rue, un torréfacteur ayant pignon sur rue vend du café en vrac au puissant arôme. Il faut être patient et attendre son tour derrière une longue file pour acquérir le précieux stimulant.

Nous continuons notre flânerie matinale jusqu’à la lisière du marché. Il nous faut tourner à gauche et remonter la pente qui mène vers le complexe de la mosquée Soliman (Süleymaniye Camii), à dix minutes de marche. Ce dernier situé sur les hauteurs, surplombe le quartier et est visible de loin. On peut y visiter la mosquée, sa cour intérieure et sa fontaine aux ablutions (sadirvan).  Depuis le balcon extérieur, on peut admirer, à travers une vue imprenable, l’estuaire de la Corne d’Or, et au loin le Bosphore dont on devine derrière la brume, le pont de même nom (rebaptisé pont des Martyrs du 15 juillet, depuis 2016), qui relie les deux continents.

Derrière un jardin jouxtant la mosquée, on peut visiter les mausolées de Soliman le Magnifique (Süleyman Kanuni), de son épouse Roxelane (Hürrem Sultan) et de quelques autres dignitaires.

Après la prière de midi (Dohr), nous regagnons le marché en descendant. Les restaurants proposent des mets locaux, riches et variés, aux saveurs d’Orient. Des plats à base de viande : Kebab, Adana, Dolma, accompagnés de riz généralement ou d’autres garnitures. Les desserts, des gâteux à base d’amandes ou de pistaches sont succulents. Sans oublier l’inévitable jus de grenade.

Il est 14 heures passées, mais le quartier ne désemplit pas. Sur le pont de  Galata, des pêcheurs à la ligne et bien alignés de part et d’autre du pont, taquinent le goujon sous le regard curieux et amusé des nombreux touristes qui s’arrêtent pour prendre des photos. On enjambe des seaux pleins de sardines et de maquereaux, pour se frayer un chemin. Il est possible pour les amateurs de louer une canne et de pratiquer leur dada, dans une ambiance bon enfant, au milieu des autochtones. Encore faut-il trouver une place.

En fin d’après-midi, nous quittons Eminönü (district de Fatih) et son tumulte en direction de la place Taksim, située sur la rive nord de la partie européenne. Le temps est maussade et le ciel continue de crachiner. Les navettes fluviales continuent leur ballet incessant, chargées de touristes ou de simples usagers. La marche s’avère délicate. On se rabat, dès lors, sur le tram qui traverse le pont de Galata en direction de Kabataş,  dans le district de Beyoğlu (partie européenne qui donne aussi sur le Bosphore). À Kabataş,  terminus de la ligne 1, il faut prendre un funiculaire souterrain qui monte vers la place Taksim (Taksim Meydani).

Cette place était jadis un point de collecte et de distribution d’eau vers les différentes parties de la ville. D’où son nom qui veut dire en arabe : division ou distribution. La place est grande et circulaire et donne sur deux grandes artères : l’avenue de la République (Cumhuriet Caddesi) et l’avenue de l’Indépendance (Istiqlal Caddesi). Cette dernière est une longue rue piétonne, pavoisée d’une multitude d’enseignes modernes, représentant des marques mondiales et locales. Une ligne de tramway historique et touristique la parcourt. 

On la descend depuis la grande place jusqu’au pont de Galata. L’artère est animée et il y règne une ambiance festive grâce à l’afflux des touristes qui font du lèche-vitrine, déambulent et goûtent aux friandises et autres délices qui vous font lécher les babines, derrière les étals vitrés où ils sont harmonieusement exposés. L’offre est riche et les prix sont moyens. On fait une halte chez l’incontournable – mais un peu cher quand même - Hakki Zad 1864, pour savourer une kounafa, un gâteau à base de fromage, de beurre et de fruits secs, qui vous est servie par des agents d’accueil souriants, coiffés d’un tarbouche rouge, emblème de la boîte.

Le tram rouge qui date d’une certaine époque, est bondé de touristes, curieux ou nostalgiques, collés les uns aux autres avec le sourire en prime. Il fait des va-et-vient incessants accompagnés de klaxons aux sons de cloche qui font sursauter quelques étourdis qui s’écartent de la voie pour l'occuper de nouveau.

La fin de l’avenue est marquée par une pente raide, qui laisse place à un autre paysage, plus rustique et moins éclatant : des boutiques de souvenirs, des coiffeurs, des luthiers et autres masseurs. Sur notre droite, l'imposante tour  de Galata  dont les abords sont pris d’assaut par les touristes. Dès la tombée de la nuit, la tour s’illumine et on voit défiler sur ses parois des images faisant la promotion de la mégapole et de ses principales attractions, avec en toile de fond, les couleurs du pays, croissant et étoile blancs sur fond rouge, qui flottent telles des oriflammes.

À propos de drapeau, il faut dire que ce dernier est partout. Il n’y a pas un magasin, une échoppe où une charrette d’un marchand ambulant où ce dernier ne pend pas. Il y a aussi lieu de relever les grands portraits de Mustapha Kemal, le père de la nation  (Atatürk) qui trônent sur les édifices et les places publiques.

En fin de journée, nous quittons le district Beyoğlu pour  celui de Fatih, en empruntant le pont de Galata dans l’autre sens, pour regagner notre hôtel. Les voix chantonnantes des muezzins s’élèvent haut dans le ciel noir et s’entremêlent, appelant à la prière du soir (îcha).

Nous arrivons à l’hôtel. Sur la rue, une famille scandinave prend des poses avec des chats. Ceux-ci se prêtent au jeu et demeurent étrangement placides devant l’excitation des enfants, qui les caressent à tour de rôle. 

Les chats sont partout. On les voit à chaque coin de rue. Ils sont propres, nourris et entretenus par la municipalité et par les Stambouliotes, en toute saison. Ils font  partie intégrante de la ville, de son décor et de son identité.

Demain, nous prévoyons de visiter Üsküdar, la partie asiatique de la ville, située sur la rive droite du Bosphore. Nous prendrons la navette fluviale depuis le terminal d'Eminönü.

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A
Un beau compte rendu qui est aussi une balade pour nous à travers les coins que vous avez visités.On attend la suite.La Turquie a été un empire, elle en garde des traces.
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